Musique EMOI n°27 – Noël
Edito: le Verbe s’est fait chair
« Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous ».
St JEAN
« En chacun de nous, nous essayons plus ou moins d’écouter ce verbe qui veut continuellement se faire chair pour que la chair se fasse verbe »
St AMBOISE
« Tu étais au dedans de moi et moi au-dehors de moi-même »
St AUGUSTIN
Il n’y a pas d’autre religion que celle qui conduit l’homme à découvrir Dieu qu’il cache en lui. Maurice ZUNDEL
La divinité « est aussi bien en nous qu’elle est en Jésus. Elle est aussi totalement en nous qu’elle est totalement en Lui. » Maurice ZUNDEL
La naissance de Jésus (Le Verbe s’est fait chair) a tout changé pour les hommes, la prise de conscience a commencé, mais il s’agit visiblement d’une longue marche au vu du fonctionnement actuel des hommes sur la terre.
Quoique …qui sait !
La fête de Noël, cette année un peu plus que les années précédentes est marquée par des guerres importantes avec des risques d’embrasement sur l’ensemble de la planète.
Pourtant les peuples concernés se réclament tous de Dieu pour leur victoire, qu’ils soient russes, ukrainiens, israéliens, palestiniens, yéménites ou autres. Ceci démontre bel et bien la faiblesse de l’homme incapable de respecter … l’essentiel de la création : la Vie
Et paradoxalement plus de 8 personnes sur 10 dans le monde s’identifient à un groupe religieux.
Nous sommes dans l’obligation d’essayer de changer nos instruments de mesure du temps et de l’espace, de travailler notre humilité, notre bienveillance et la notion d’Espérance.
Nous avons tendance à oublier par exemple que la terre tourne à 107 000 km / h sur son axe. En réfléchissant un peu plus sur ce genre de détails de la création cela aiderait à moins regarder son nombril…et par conséquent à regarder la beauté de la création et l’immensité de son créateur, plus d’humilité conduit à plus d’humanité.
Pour les chrétiens, il faut que l’homme devienne Dieu. Car si l’homme ne croit pas en l’Homme, ne prépare-t-il pas sa propre destruction ?
Alors cette période de Noël qui correspond à la naissance de Jésus ne devrait-elle pas au moins nous interpeller un peu ? Pauvres pêcheurs que nous sommes avons-nous vraiment la possibilité d’accéder au verbe ? (St Amboise)
Devenez qui vous êtes.
La samaritaine nous aide à comprendre que c’est possible et qu’avec l’aide de Dieu cela peut être même très rapide, chacun d’entre nous est au départ le temple de Dieu.
Nous sommes capables d’accéder à l’eau vive, celle qui nous permet de ne plus avoir jamais soif. Pour cela et pour commencer, une prise de conscience est nécessaire: savoir qui nous sommes vraiment (pas facile …) et bien sûr, commencer ou continuer à chercher Dieu en ouvrant chacun notre porte afin de le recevoir.
Pour l’homme, reconnaître Dieu en Jésus, implique à rentrer dans la démarche « le Verbe s’est fait chair », puis « la chair devient Verbe » (st Amboise) c’est-à-dire que l’homme doit connaitre une nouvelle naissance, n’est-ce pas celle dont parle Jésus à Nicodème ?
La naissance de Jésus célébrée par cette fête de Noël pourra peut être nous rapprocher un peu plus encore du divin. C’est bel et bien un moment propice à l’Amour.
Soyons comme l’apôtre Thomas appelé didyme (c’est-à-dire jumeau) en acceptant sans retenue de reconnaitre Dieu en Jésus, faisons un (1) avec Thomas (notre jumeau ?)
L’OEUVRE CHOISIE : MESSE DE MINUIT POUR NOËL
La guerre gronde en Europe, le changement climatique a un impact négatif sur les récoltes, la liberté de pouvoir pratiquer sereinement une religion est remise en cause.
Non, nous ne sommes pas en 2023 mais bien en 1694 sous le règne du roi Louis XIV : en effet, la guerre de la ligue d’Augsbourg, qui oppose la France à l’ensemble de ses voisins : Allemagne, Pays-Bas, Angleterre, Espagne, rend exsangue les caisses de l’état pour plus de soixante ans. De plus, l’Europe connaît un « petit âge glaciaire » dont les conséquences sont importantes sur les récoltes de blé en particulier. Des processions sont organisées dans les paroisses pour conjurer la famine. Enfin, depuis 1685, l’édit de Nantes, qui garantissait une certaine liberté de culte aux protestants, a été révoqué par le roi Louis XIV.
Comment, dans ces conditions, faire renaître un peu d’espérance dans le pays malgré tout.
Marc-Antoine Charpentier, en ces temps sombres et parce que le mystère de la Nativité est par essence joyeux, composera sa messe de minuit pour Noël en cette année 1694.
Il allie la solide structure de la messe au trésor de la musique populaire bien connue des français de son temps. Car même si aujourd’hui, nos contemporains se réjouissent pendant le temps de Noël des Christmas Carols, il ne faut pas oublier que les provinces françaises avaient, elles aussi, une tradition musicale avec la mise en musique des événements de la nativité en langue française.
Marc-Antoine Charpentier utilisera ainsi dix chansons populaires issues entre autres de l’Anjou, de Champagne ou même de la Beauce, qu’il associera à un moment de la messe: pour le premier Kyrie : Joseph est bien marié, puis pour le Christ, Or nous dites Marie et pour le deuxième Kyrie : une jeune fillette.
Au Gloria, Les bourgeois de Chastres, Où s’en vont ces gais bergers ; et pour le Credo, Voici qui désirez sans fin, Voici le jour solennel de Noël, À la venue de Noël.
À l’Offertoire, Laissez paître vos bêtes, et au Sanctus, O Dieu que n’étais-je en vie. Enfin pour l’Agnus Dei, A minuit fut fait un réveil.
Après avoir établi une correspondance et harmonisé les morceaux de musique populaire pour les adapter à la structure du texte liturgique, Marc-Antoine Charpentier livre une œuvre à la fois majestueuse et recueillie, avec des parties plus propices à l’intériorité et d’autres où toute la joie liée à l’incarnation peut s’exprimer.
Avec les instruments de l’époque baroque, le son des instruments à vents est plus rond, plus doux car le métal n’a pas encore fait son apparition. Aux violons, s’ajoutent donc traverso, flûtes à bec et la basse continue associée généralement à l’orgue.
Il pourrait être étonnant voir curieux d’entendre l’ouverture de cette messe sur un Kyrie aussi joyeux, majestueux et enthousiaste. Mais ici, Marc-Antoine Charpentier nous place dans la position de l’enfant qui a confiance dans le pardon que son Père lui accordera et qui accoure pour l’obtenir à l’image du fils prodigue de la parabole. En miroir, et parce qu’en ce jour, Dieu s’incarne dans un nouveau-né, le Christ est lui plein de délicatesse comme la première découverte d’un petit enfant pour cette nouvelle Vie remplie de promesses.
À l’offertoire, une place est faite aux bergers, premiers témoins de la divine naissance malgré, leur situation en marge de la société.
Le Sanctus, joyeux, est marqué par un temps de silence entre « Pleni sunt cæli et terra gloria tua. Hosanna in excelsis. » (Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire, Hosanna au plus haut des cieux. )Et « Benedictus qui venit in nomine Domini. Hosanna in excelsis » (Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux). La voix des anges s’unit d’abord à celle de la création puis, un silence, avant la deuxième phrase, comme si ce silence représentait le temps de réflexion de Dieu entre la création du monde et la venue réelle de Son Fils sur la terre en ce jour.
Enfin l’Agnus, comme une douce berceuse prépare le cœur et l’âme à recevoir avec beaucoup de délicatesse au cours de l’eucharistie qui suivra celui qui s’incarne en ce soir de Noël. Et, touchant ainsi à cette infinie miséricorde du Père, en cette nuit, Jésus-Christ se fait grâce…
LE COMPOSITEUR : MARC ANTOINE CHARPENTIER
Marc-Antoine Charpentier, compositeur français né à Paris (1643/1704), un grand maître de la musique sacrée française du XVIIe siècle.
Tombé dans l’oubli pendant plusieurs siècles, ce n’est qu’en 1953 que ressurgit son Te Deum H146, motet pour chœur, solistes et orchestre. Des notes immédiatement reconnaissables qui mettront en lumière notre compositeur. Les plus anciens se rappelleront cet air choisi pour le générique de l’Eurovision (à l’époque ou la télé se nommait ORTF !).
Heureusement, cette œuvre a repris ses lettres de noblesse et retrouvée sa place dans les grandes salles de concert.
Une vie essentiellement parisienne, à l’époque où Lully rayonnait comme surintendant de la musique du roi Louis XIV, et maître de musique de la famille royale.
Alors qu’il se destine à l’architecture, notre compositeur se rend à Dijon. Une rencontre avec des musiciens italiens l’incite à faire des études de chant pendant 4 années.
1665, il séjourne 3 ans en Italie, et sera l’élève de Giacomo Carissimi (compositeur de musique sacrée -1605/1674). Un tournant déterminant pour sa carrière et ses compositions qui seront imprégnées d’influences italiennes.
Un Maître mot pour notre compositeur « Maitre de musique » au sein de lieux prestigieux :
– Durant 18 ans, 1670 à 1688 il occupe le poste de Maitre de musique de la princesse de Guise, et chef d’orchestre en résidence à l’hôtel de Guise – 4 rue de Chaume à Paris 4eme, propriété de son mécène.
Au décès de la Princesse, il est employé par les jésuites où il restera 10 ans comme Maitre de chapelle en Eglise Saint Louis.
– 1672, suite à un désaccord avec Lully, Molière propose à Marc-Antoine Charpentier de mettre en musique ses comédies-ballets (dont le malade imaginaire). C’est ainsi que Charpentier compose des airs entractes au théâtre Français à Paris, actuellement appelée Comédie Française.
– 1679/1683 – la musique est un art cher à Louis XIV. Il lui confie le poste de maitre de musique pour son fils, le Grand Dauphin. (Messes et motets)
– 1698 – Maitre de musique des enfants à la Sainte Chapelle du palais de Versailles (1698) où il finit sa carrière.
– 1693, tombant malade il ne peut participer au concours de maitre de la chapelle royale de Versailles, ouvert par le roi, et de ce fait ne peut avoir de titre officiel à la cour.
Il lègue l’intégralité de son œuvre à son neveu Jacques-Edouard (éditeur) qui vend en 1727 l’ensemble de ces manuscrits, à la Bibliothèque Royale.
Son œuvre est immense, 28 volumes manuscrits de sa main et sont conservés de nos jours à la Bibliothèque Nationale de Paris. Une collection unique au monde « les Meslanges », partitions autographiées de Marc-Antoine Charpentier, ainsi se côtoient les partitions autographiées ou imprimées de l’histoire de la musique de Frescobaldi à Poulenc.
Ses compositions :
Des œuvres profanes : opéra (Médée), pastorales (les arts florissants et les plaisirs de Versailles), des musiques de scène et des airs sur des texte de Thomas Corneille (frère du grand dramaturge).
Des œuvres religieuses : 11 messes (dont la messe de minuit de Noël, la messe des trépassés, la Missa Assumpta est Marie, …), des motets, oratorios, psaumes, magnificat, les leçons des ténèbres composées en 1680 pour des abbayes.
Il décède à Paris le 24 février 1704 dans sa maison de la sainte chapelle du palais.
Le saviez-vous :
L’un des ensembles reconnus mondialement pour l’interprétation de la musique baroque sur instruments anciens « les Arts Florissants » dirigé par sir William Christie (chef d’orchestre américain, naturalisé français en 1995), doit son nom à un opéra de chambre de Marc-Antoine Charpentier « les arts florissants » composé en 1685.
Quand le roi Louis XIV s’installe à Versailles (1682), Marc-Antoine Charpentier composera des divertissements « les plaisirs de Versailles », dans lesquels se trouve nommé et chanté « le chocolat » !
Sources ; 2021 JP Chorier : Introduction à la musique classique
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1114123
Les morceaux choisis
Messe par les ARTS FLORISSANTS
Te Deum
QUIZZ : Sainte Thérèse
1-Aux messes du temps de Noël, un Kyrie inspiré de celui de Marc-Antoine Charpentier est chanté à Meyzieu.
a-vrai b-faux
2-Marc-Antoine Charpentier est contemporain de Saint Vincent de Paul.
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3-Les commandes de musique sacrée faites à Marc-Antoine Charpentier proviennent essentiellement des jésuites.
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4-Marc-Antoine Charpentier est contemporain de Jean-Baptiste Lully.
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5-L’année de naissance de Marc-Antoine Charpentier, 1643, correspond au début du règne de Louis XIV
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Réponses
1-a-vrai 2-a-vrai, 3-a-vrai, 4-a-vrai, 5- a-vrai
Bonne fête de NOËL à tous(tes)…
Place à Musique Émoi … du mois de janvier et surtout, place à l’Espérance !