D’hyperconnue à archimoralisante, la parabole des talents est devenue une invitation classique à prendre conscience de ses propres qualités et grandir en vertu. Mais faut-il nous en arrêter là ? Est-il possible de découvrir ce texte à frais nouveaux ? En le lisant plus finement, nous pouvons certainement en dépasser l’interprétation usuelle et trop simple.
En fait, le maître de la parabole ne confie pas n’importe quelle richesse à n’importe qui. Ce sont ses « propres » serviteurs, ceux qui partagent sa vie au quotidien, à qui il « confie ses biens ». Ce ne sont donc pas les aptitudes ou qualités naturelles, mais les biens divins confiés à ceux qui le connaissent personnellement. De quoi cela peut-il s’agir, si ce n’est ce dont parle Jésus dans tout l’évangile : la foi, le pardon des péchés, la grâce, l’Esprit Saint, les sacrements !
En fait, le maître les « transmet » (paradidomi) aux serviteurs, comme un roi transmet son pouvoir et son royaume à son fils au moment de mourir, et aussi comme le Fils de l’homme est « livré » pour être crucifié (Mt 16,1). C’est un don, sans reprise. Le maître ne demande pas à récupérer les talents, mais demande seulement des comptes de leur réception. Les deux premiers serviteurs ont été « fidèles » dans la réception et l’appropriation du don, qui a porté du fruit. Alors que le troisième n’a pas voulu le considérer comme un don à recevoir, mais comme un prêt à rendre. Il plaque sur le maître sa propre dureté de coeur : « je savais que tu es un homme dur ».
Voilà donc la question : sommes-nous conscients du don de la grâce ?
Tirons-nous profit des biens divins, surtout des sacrements de l’eucharistie et du pardon ? Si un talent vaut trente-quatre kilos d’or ou d’argent, combien vaut une communion au Corps du Christ ? Combien vaut une réconciliation avec notre Père ?
Recevoir un sacrement ne suffit pas. Il doit aussi porter du fruit, et non être enterré directement ! c’est pourquoi la fructuosité des sacrements que nous recevons, autrement dit leur fécondité spirituelle, dépend beaucoup de notre foi personnelle, de notre union à Dieu et de notre attitude intérieure. D’où l’importance de bien nous préparer à recevoir ces dons dans le silence et la prière ; et d’en rendre grâce ensuite.
D’où l’importance aussi de configurer progressivement toute notre vie en cohérence avec la volonté de Dieu.
Rendons grâce au Seigneur pour cette chance que nous avons de le connaître et de recevoir sa Grâce (= pur don de Dieu), dimanche après dimanche, jour après jour dans notre vie spirituelle quotidienne.