Nous voici avec ce N° sur les chants grégoriens, au cœur de l’idée force de Musique Emoi :

Musique / Emotion 

et par conséquent au plus loin de Musique et Moi et Moi, et Moi  (égo)…

En effet avec ces chants, la voix seule devient musique, et partant de ce principe, l’homme devient alors instrument. L’ouïe à l’écoute de la Parole

« Seul le sens de l’ouïe peut atteindre la vérité, parce que lui seul entend la parole ».

(Saint Bernard)

C’est un peu comme si on allait à l’essentiel dans l’expression musicale, avec pour support …le dépouillement pour la mise en avant de la Parole.

De plus la polyphonie au service de l’harmonie, pour nous, il est difficile de faire mieux dans le domaine, puisqu’il s’agit du chant propre de la liturgie de l’Église catholique.

Afin d’en apprécier pleinement la beauté, il n’est pas indispensable de connaître les paroles des chants, ce qui permet au plus grand nombre d’entendre et d’écouter.

Les sons émis montent des entrailles aux lèvres (les chanteurs), et descendent des oreilles aux entrailles (les auditeurs et les chanteurs)

Le chant grégorien s’appuie sur le rythme de la respiration. Une harmonie se crée donc entre le vers chanté et le souffle du chanteur. Grâce à cela, cette musique favorise la méditation et l’intériorisation des paroles chantées. Elle a aussi un effet psychologique et physiologique très profond : la respiration se calme et le rythme cardiaque ralentit.

N’oublions jamais que Dieu nous a créé avec un corps, c’est-à-dire que nous devons nous servir et écouter nos 5 sens  pour les mettre au service du spirituel, il s’agit d’une des bases du chant grégorien.

Dans ce contexte musical, chacun peut facilement atteindre un état profond d’attention et de relaxation. C’est un excellent exercice de méditation qui aide à la concentration et redonne vie.

LE MORCEAU CHOISI : Ubi caritas et amor Op.10 n°1

 

L’art grégorien a porté à un tel point de perfection le chant liturgique que ce serait dans l’ordre de la culture chrétienne, une véritable catastrophe s’il disparaissait. Maurice Duruflé 

 Élève organiste de Charles Tournemire et de Louis Vierne, deux professeurs aux caractères et aux méthodes diamétralement opposés, Maurice Duruflé sort du conservatoire en 1928 fort de 5 premiers prix : orgue, harmonie, accompagnement au piano, fugue et composition. Le tout en officiant au sein de trois paroisses comme organiste liturgique et, notamment, en remplaçant, de temps en temps, son professeur Louis Vierne sur l’immense Cavaillé-Coll de Notre-Dame de Paris.

Travailleur acharné, croyant plus à un labeur régulier qu’à une inspiration providentielle, il choisit la composition, car, dans ce début de XXe siècle, il s’agit d’affronter un nouveau défi : comment créer sans faire une pauvre imitation, une pâle copie de ses prédécesseurs : en effet, si le public souhaite écouter Bach, il assistera à un concert où une œuvre du compositeur sera jouée, de même pour Mozart ou Beethoven. Le public n’est pas très enclin à découvrir une œuvre composée à la manière de. Sans la création, la musique classique serait un cimetière où l’on irait se recueillir. Mais la musique classique est vivante et pour se renouveler, il faut bien connaître son passé. Maurice Duruflé se tourne alors vers le chant grégorien qu’il côtoie depuis ses 10 ans et son entrée au pensionnat de la maîtrise de Notre-Dame de Rouen. Dans Ubi caritas et amor, présenté ici, Maurice Duruflé s’appuie largement sur la mélodie grégorienne et, de par sa maîtrise de l’harmonisation, il sort des contraintes de la musique tonale et joue avec bonheur avec la musique modale en ajoutant sur ses accords des notes de musique qui, sans dénaturer la ligne mélodique originale, apporte un mystère, une profondeur à l’œuvre écoutée. Il ne s’agit pas ici de travailler sur des dissonances extrêmes, le texte lui-même ne s’y prête pas ! Il s’agit juste, à la manière d’un peintre impressionniste, de procéder par touche pour modeler le son et pour poser une ambiance. Il ressort de cela une pièce musicale à la fois aérienne, lumineuse et enveloppante, pleine de délicatesse, de douceur comme une manière pour Maurice Duruflé de nous faire toucher la manière dont Dieu nous aime. En allant même jusqu’à nous faire ressentir l’infini de cet amour de Dieu pour nous dans « l’Amen » final qui représente presque un quart du temps total de l’œuvre en s’estompant doucement comme un parent qui bercerait son enfant.

L’héritage de Duruflé perdure aujourd’hui encore parmi les compositeurs scandinaves comme Morten Lauridsen par exemple et c’est peut-être là son message pour nous aujourd’hui : savoir s’appuyer sur le passé pour inventer, pour entrer en mission dans le monde et la société où nous vivons. Nous sommes dans ce monde et nous avons à prendre notre place, à notre manière, et de façon unique, le Christ nous aime et nous veut comme témoin d’abord là où nous sommes aujourd’hui. 

Inspiration sur 4 notes !

Au fil de nombreuses lectures d’articles, de livres, d’écoutes musicales, quelle n’a pas été notre surprise de constater le nombre considérable de compositeurs qui se sont inspirés des premières notes d’un chant grégorien « LE DIES IRAE ».

Dur labeur, que de narrer l’histoire de 4 notes et d’un chant grégorien issu d’un texte du Vème siècle !

Le dies irae (jour de colère) est une séquence de la messe des morts.

Extrait : dies irae de Thomas luis de Victoria (1605) – chant à l’UNISSON (le même son pour tous) https://www.youtube.com/watch?v=EqjR_BoibaQ

Cette résonnance de la mort, de l’angoisse et du désespoir a fasciné un grand nombre d’artiste. La force de ce chant grégorien est l’image même d’une expression que tout homme peut ressentir à un moment de sa vie. Musique baroque ou classique : des compositeurs comme Thomas Luis de victoria (1548/1611), Charpentier (1643/1704), Mozart (1756/1791), Brahms (1833/1897), Fauré (184(/1924), Duruflé (1902/1986) …… ont su l’exprimer dans leur Requiem, ou motets comme Lully (1632/1687) et Delalande (1657/1726).

Mais ce qui nous fascine c’est de découvrir que le Dies Irae jaillit aussi dans la musique profane !  Nos recherches nous ont fait traverser les siècles, et quel étonnement de constater le nombre d’œuvres, où résonnent encore et toujours ces 4 notes, implacables, sombres et tristes.

A notre grand regret, nous avons dû faire un choix, parmi les grands compositeurs.

Créée en 1795, La Symphonie n° 103 de Joseph HAYDN (1732/1809) dite « roulement de timbales », où dès le début de son adagio résonne le Dies Irae. Le compositeur a mis en miroir de ces notes solennelles, une musique vive qui accentue l’impression d’angoisse portée par les premières notes.

Notre deuxième exemple est un compositeur né en région Rhône-Alpes, Hector Berlioz (1803/1869). Dans la « symphonie fantastique », vous entendez les cloches sonner le glas, le thème de ce chant grégorien surgit et vous laisse une impression intense de fatalité inexorable ! durant « 1 ‘46 » vous êtes suspendus à l’inéluctable !

Impassibles, obsédantes, elles retentissent dans la Danse macabre de Frantz Liszt (1811/1886).

Une émotion saisissante dans l’oratorio créé en 1967, à la mémoire des victimes d’Auschwitz par Krzysztof Penderecki (1933/2020).  La parole et les commentaires sont inutiles, seule l’écoute suffit pour comprendre la solennité et l’ampleur que dégagent ce chant.

Pour les auditeurs qui ne sont pas des adeptes de la musique dite « baroque ou classique », vous n’échapperez pas à ces 4 notes avec le 7e art : le Cinéma. Elles sont là, tapies dans les bandes originales de films qui ont fascinés et passionnés tant de cinéphiles. Des compositeurs tels que J. Williams, V. Cosma, E. Morricone, H. Zimmer, et bien d’autres, ne s’y sont pas trompés, les ambiances de crainte ou d’angoisse sont accentuées par ces 4 notes.

La liste est longue et nous nous limiterons à quelques titres très prisés des cinéphiles :

Dès 1927, dans le film Métropolis de Fritz Lang, période du film muet, la musique intensifie le contexte de crainte.

Suivent Citizen Kane (1941), le seigneur des anneaux, Django Enchainé (Dies irae du requiem de Verdi), Shining (1980), Star Wars, etc.…Et pour les plus petits, le Roi lion (1994), etc…

Un article a particulièrement attiré notre attention, extrait d’une interview d’Olivier Messiaen, un compositeur passionné de musique religieuse,

 « Le plain-chant n’a pas d’auteur, il a été écrit par des moines anonymes, cela parait extraordinaire !

Je n’imagine pas un compositeur du XXEME se refusant à signer son œuvre «.

(Le musicien de la joie » Musica Memoria N°46 de juin 1962)

L’anonymat est une force et n’est-il pas synonyme d’humilité ?

Quel est donc ce mystère, qui fait que Le « dies irae » est éternel !

Quizz

Le QUIZZ n° 12

1- Le chant grégorien est composé de façon anonyme.

a-vrai    b-faux

2-La messe des « Anges » a été composé au:

a-VIIIème siècle  b-IXème siècle  c-XVème siècle

3- le chant grégorien est propre à l’Église catholique.

a-vrai  b-faux

4- Le plain-chant est propre à l’Église catholique.

a-vrai  b-faux

5-Les organistes peuvent s’inspirer des mélodies grégoriennes pour leurs improvisations.

a-vrai  b-faux

 

Résultats du quizz n° 11

1-c 2-b 3-b 4-a 5-a

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